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Photo du rédacteurPhilippine BELLAY

Starman, Vers l'infini et au-delà !


Starman , la nouvelle fantaisie de Elon Musk

     Bon, voilà, ça fait onze mois que je suis entré en fonction, et pour l’instant, je pense que je remplis bien ma mission. Le 6 Février 2018, Elon Musk m’a installé dans son Roadster Tesla et nous avons été envoyés dans l’espace par le Falcon Heavy, lors de son vol inaugural. Au bout de trois minutes, je suis sorti de la coiffe de la fusée à bord de mon coupé rouge. Depuis, je file à plus de cinquante-six mille km/h sur une orbite héliocentrique. Ma voiture a dépassé Mars, comme prévu et nous sommes actuellement sur le retour.

     Je suis bien installé là-haut. On m’a équipé d’une combinaison d’astronaute très seyante et tant que l’autoradio fonctionne, j’ai le plaisir d’écouter Space Oddity de David Bowie. Une main sur le volant, accoudé à la portière, je contemple l’espace qui m’entoure.

    Pourtant, il m’arrive de douter et d’avoir besoin de me rassurer. La mission est une réussite pour l’instant : la fusée a décollé sans exploser et a placé le Roadster en orbite. Mais elle doit quand même faire face à des critiques. Et parfois je remets tout mon rôle en question.

Est-ce que je suis juste l’aboutissement du caprice d’un milliardaire ? Monsieur Musk avait expliqué qu’il adorait l’idée d’une voiture dérivant à l’infini et qui serait peut-être découverte pas une race d’extraterrestre des millions d’années plus tard. Et puis il a placé dans la Tesla plein de références à notre culture. Le détail que je préfère, c’est la plaque qui porte la mention « fabriqué sur Terre par des humains ». Si ma mission se résume à être porteur de tous ces messages à travers le vide intersidéral, je suis satisfait. Mais cela ne suffit pas à légitimer ma présence dans le ciel aux yeux de tous et j’en suis conscient.

    Finalement, j’arrive toujours à me raisonner. Mon rôle est clair. Pourquoi ne pas avoir envoyé une vraie charge utile : un satellite ou des instruments scientifiques - plutôt qu’une décapotable et son conducteur ? Eh bien, c’est parce que le Falcon Heavy avait cinquante pour cent de chances d’exploser au décollage. Personne n’aurait voulu voir son travail installé sur la fusée pour finalement être réduit en cendres avec le lanceur. Il fallait tout de même en inclure une pour que l’essai soit réaliste. Un bloc de béton aurait été ennuyeux et sans originalité. Voilà ! C’est là que nous intervenons la Tesla et moi.

    Justement, la Tesla, ma belle Tesla, elle suscite des réactions négatives. OUI, le patron a envoyé un véhicule produit par sa propre société. Est-ce que ça n’est pas juste un coup de pub ? Je ne crois pas. SpaceX n’a pas mentionné le nom de la voiture lors du lancement. Ils ont préféré se référer à moi. Et pour l’agence, c’est surtout la fusée qu’il fallait promouvoir. Le but était de valider sa technologie pour séduire le client potentiel : l’armée américaine.

    Heureusement, il ne m’arrive pas trop souvent de m’interroger ainsi. La plupart du temps, je me trouve dans la lumière du Soleil et je m’émerveille en observant les astres. Contrairement au Starman de la chanson de Bowie, l’homme des étoiles qui attend dans le ciel, je n’attends rien. Je sais que je suis là pour rester et je n’ai qu’à profiter du spectacle. On pourrait bien essayer de me récupérer quand je m’approcherai à nouveau de la Terre, en 2091. Mais, existerai-je encore ? Sur Terre, certains s’inquiètent de la pollution que pourrait représenter le Roadster. Comme à chaque fois que je me questionne, je me force à me rappeler pourquoi je suis là, pourquoi le rôle que je tiens est légitime. Et en faisant cela, inévitablement, je pense au destin funeste que me prédit un chimiste d’Indiana : nous ne polluerons pas mais en partie parce que nous n'existerons plus. D’abord, l’espace est vide. Il n’y a pas de climat que nous risquerions de changer ou d’espèce que nous pourrions mettre en danger. Ensuite, on aurait pu entrer en collision avec Mars dans un premier temps – et y répandre toutes les bactéries terrestres qui voyagent avec nous - ou avec la Terre bien plus tard. Mais cela ne se produira certainement jamais. Car la voiture et moi ne devrions pas tenir plus d’un an. Les micrométéorites et les rayons cosmiques représentent une menace trop importante. Seuls quelques morceaux pourraient résister, comme le verre. 

    Alors, quand cela arrivera et que nous ne serons plus, que faudra-t-il retenir ? Nous aurons rempli notre mission, très bien. Monsieur Musk doit être content. Et les autres ? Les millions de personnes qui ont visionné en direct les images du début de l’aventure ? Ils doivent surement se dire que nous les avons conviés à un bien drôle de spectacle… où peut-être nous ont-ils déjà oubliés.

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