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Hugo Chabalier

La fabuleuse épopée du Raid Paris Nouméa 1932

L’entre-deux guerres fut l’Age d’or des pionniers de l’aviation. Des aviateurs du monde entiers tentent de rallier l’Amérique du Sud depuis l’Europe. Le quotidien et les exploits de ces pilotes sont notamment rapportés par l'écrivain Antoine de Saint-Exupéry, pilote de l'Aéropostale lui-même, dans des romans tels que Vol de nuit (1931) ou Terre des hommes (1939).

Au début des année trente le capitaine Charles de Verneilh, accompagné de son équipage, décide de partir en direction de Nouméa. C’est un défi immense car c’est l’un des territoires français le plus éloigné de la métropole. Nous vous proposons ici de voyager avec lui à travers la lecture de son journal de bord imaginaire.

Journal de bord, J1 1930

J’ai envie de réaliser un exploit, quelque chose d’inédit qui restera dans les mémoires. Depuis la fin de la guerre, il y a presque douze ans, les plus grands aviateurs partent à la découverte de ce monde et réalisent de grands raids aux quatre coins du globe. Je ressens le besoin de suivre leurs traces, de partir à l’aventure, mais en même temps je veux réaliser une mission inédite, suivre une destination qui sort de l’ordinaire. J’ai la destination qu’il me faut : Nouméa. C’est la ville principale de la Nouvelle-Calédonie, le territoire français le plus éloigné de la métropole, si ça ce n’est pas un défi ! Plus de 2000 kilomètres à parcourir, en passant par l’Afrique, le Moyen-Orient, et l’Asie du Sud-Est. Si je réussis mon défi, je serai alors le premier avion français à me poser sur ce territoire, quelle fierté ! Il me faut maintenant travailler…


Journal de bord J2, début 1931

Pour me lancer dans mon défi, j’ai besoin de trois éléments fondamentaux : un avion, du financement et un équipage.

Après de longs mois de recherche j’ai enfin trouvé l’appareil parfait pour effectuer le périple, et un constructeur par la même occasion. Lors du salon de l'aéronautique au Grand Palais, j’ai dégoté un trimoteur révolutionnaire, le Couzinet 33. Mon choix s’est porté sur cet appareil, un avion initialement prévu pour faire du tourisme. C’est un modèle très basique mais pas moins génial dans la réalisation. En prenant ce modèle, c’est un gros risque que je prends. Il n’a encore jamais volé, les tests commencent bientôt et il n’est pas prévu pour voler dans des conditions tropicales. Mais sa distance franchissable de 4500 kilomètres va nous permettre à moi et mon équipage de minimiser le nombre d’étapes, et donc le temps nécessaire pour arriver à destination.

Image de l’équipage du Couzinet 33 ainsi que de l’appareil et du tracé des escales réalisée

Journal de bord J3, 1931

Trois semaines ont passé depuis le choix de mon appareil. Immédiatement après, je suis parti à la recherche de financements pour mener à bien le projet. Malgré de nombreux refus, je n’ai pas abandonné pas et j’ai fini par décrocher un financement de la ville de Biarritz. Je pars prochainement avec mon appareil là-bas afin de le faire baptiser. Quel soulagement ! Le projet se réalisera bel et bien, maintenant j’en suis convaincu.

Journal de bord J4, 1931

J’ai un appareil, baptisé “Biarritz”, un constructeur qui m’aide à l’aménager et à l’améliorer et un équipage au complet.

Pour choisir mon équipage, je n’ai pas eu à réfléchir bien longtemps. Max Dévé, un pilote brillant, capitaine et navigateur m’accompagnera pour mon exploit. C’est un ami en qui j’ai pleinement confiance. Lui et moi avons combattu l’ennemi dans la même escadrille pendant la guerre. Il est une référence en termes de navigation, ensemble nous formerons l’équipage idéal pour le raid.

Quant au troisième membre d’équipage, il se nomme Émile Munch, c’est un mécanicien ayant participé à la création du Biarritz, dont il connait les moindres pièces.


Journal de bord J5, début 1932


Afin de créer une cohésion au sein de l’équipage, le capitaine Dévé et moi-même avons fait 9000 kilomètres sur un Farman 190 autour de la méditerranée.

Les essais sur le Biarritz se passent bien : il est robuste et conforme à mes attentes. Si tout se passe bien, nous pourrons partir début mars. L’avion mériterait sûrement plus de tests, mais il nous faut absolument partir à cette date pour éviter la mauvaise saison en Asie, celle des pluies et des moussons.



Journal de bord J6 6 mars 1932 :

La météo nous permet enfin de commencer notre périple, je décide donc de partir dès aujourd’hui Tout est fin prêt, nous voilà, moi et mon équipage, dans le Biarritz, prêts à décoller depuis l’aéroport du Bourget. Le plan de vol a été tracé, non sans mal, au plus rapide. L’Asie n’est pourvue que de peu de pistes, et encore plus rares sont celles aménagées en dur. Cela laisse entrevoir des problèmes à bon nombre d’étapes.

Notre première destination est Istres, au sud de la France. Nous sommes contraints de nous rapprocher de la côte pour des raisons météorologiques, alors que nous avions prévu d’aller à Tripoli, en Afrique du Nord, dès la première étape.


Journal de bord J7 9 mars 1932 :

Après trois jours d’escale, nous avons enfin pu décoller et quitter le territoire français. Après plus de 8 heures de vol et 1500 kilomètres parcourus, nous voilà arrivés à Tripoli où une escadrille italienne nous a accueillis.


Journal de bord J8 11 mars 1932 :

Hier nous avons dû rester à Tripoli à cause d’une panne de carburateurs. Ceux-ci étant défectueux à cause du sable qui les avaient pénétrés, les moteurs ne voulaient plus démarrer. Notre périple a donc repris aujourd’hui jusqu’au Caire, en Égypte.


Journal de bord J9 13 mars 1932 :

Aujourd’hui nous avons quitté le continent africain, et nous rentrons dans le Moyen-Orient. Nous avons atterri à Bassorah, au sud-est de l’Irak. Demain, nous partirons pour Karachi, un autre territoire appartenant aux britanniques.

Journal de bord J10 19 mars 1932 :

À la suite d’un problème de surchauffe moteur, nous avons dû modifier le carénage de ce dernier pour augmenter son refroidissement, après les trois escales en territoires indiens britanniques, dans les villes de Karachi, Allahabad et Calcutta. Pour le moment, nous avons eu uniquement des problèmes mineurs sur l’appareil qui ne nous ont pas empêché d’avancer et une météo clémente, mais nous nous rapprochons de l’équateur, et le climat tropical commence à nous causer des problèmes. En plus des fortes chaleurs et du taux d’humidité élevé, d’importantes quantités de vent sont prévues dans les prochains jours.

Image de l’équipage, composé (respectivement de gauche à droite) d’Émile Munch, du capitaine Charles de Verneilh et du pilote Max Dévé.

Journal de bord J11 20 mars 1932 :

Arrivée à Alor Setar, dans la péninsule Malaise. Les derniers jours ont été particulièrement éprouvants. L’appareil semble tenir le coup, même s’il se fait malmener par les tempêtes tropicales.

Journal de bord J12 21 mars 1932 :

Cette étape de Alor Setar à Batavia a été l’étape la plus dure jusqu’à maintenant. Nous avons été pris dans un orage incroyable qui a mis à rude épreuve l’intégrité de l’avion. Heureusement, pas de casse majeure à déplorer et nous avons pu atterrir entiers sur l’île de Java. Demain, une journée de repos et de vérification du matériel s’imposera avant de partir en direction de l’Australie.


Journal de bord J13 26 mars 1932 :

Départ de Kupang. Nous sommes arrivés il y a deux jours sur une piste de terre humide. Après deux jours complets à essayer en vain de décoller sur une piste inondée, nous avons enfin pu partir en direction de Port Darwin. C’est notre première étape en Australie. L’objectif est tout proche, mais il reste encore du chemin à parcourir. À notre arrivée, une foule nombreuse est venue admirer notre avion, le premier en provenance de France.


Journal de bord J14 1 avril 1932 :

Après six jours et quatre étapes à avancer au travers du désert australien, nous arrivons enfin à Brisbane, la ville australienne la plus proche de notre destination finale. Nous ne partirons pas demain, nous allons faire des réparations, et changer les hélices. Puis, si la météo nous le permet, nous partirons pour Nouméa, la dernière étape de notre périple.

Journal de bord J15 5 avril 1932 :

Suite à l’inondation de la piste à Nouméa, le décollage a été décalé jusqu’à aujourd’hui. C’est la dernière étape, l’équipage est enthousiaste, mais cette étape nécessite de relever le plus grand défi du raid. L’île étant petite, depuis Brisbane nous devons maintenir un cap précis, et ce pendant 10h consécutives si nous voulons arriver à bon port. Étant donné la géographie autour de la mer de corail, si nous n’allons pas dans la bonne direction, nous serons perdus seuls au milieu du vaste océan.

Journal de bord J16 5 avril 1932 :

Nous voilà arrivés, exactement à l’endroit que mes calculs prédisaient. Nous avons pris deux heures de retard sur les prévisions, ce qui nous a fait craindre d’avoir pris la mauvaise direction, mais tout s’est bien fini. Quelle joie et quel soulagement d’emmener mon équipage à bon port ! Le gouverneur Calédonien est venu nous accueillir en personne, accompagné des milliers de locaux. J’ai entendu dire que de nombreuses fêtes et réceptions seront organisés en notre honneur.

Pour l’instant, nous ne se sommes pas près de repartir vers de nouvelles aventures.

Peu importe quand, nous nous envolerons vers de nouveaux cieux…


https://www.canal-u.tv/chaines/mae/1ere-liaison-aerienne-paris-noumea-1932


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