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Photo du rédacteurYves JOUBIN

L’or noir deviendra-t-il bleu ?

Aujourd’hui l’industrie du transport en général -le secteur automobile tout particulièrement- se pose nombre de questions quant à l’avenir des moteurs traditionnels.


Une des alternatives possibles, de plus en plus sérieusement considérée, est celle du moteur électrique à pile à combustible dont le carburant est l’hydrogène. Mais qu’est-ce qu’un moteur à hydrogène ? Il s’agit d’un moteur électrique qui utilise l’électricité produite par le carburant hydrogène. Cependant, une des difficultés rencontrées par les ingénieurs, est l’état physique de l’hydrogène dans des conditions de températures et de pression dites « normales » (≈15 °C et 1 013 HPa). Effectivement, dans notre atmosphère, on ne trouve l’hydrogène que dans un état gazeux.


Pour parler de cette technologie j’ai pu échanger avec Éric Boullier, ancien élève de l’IPSA, directeur de la compétition de McLaren en Formule 1 (F1) jusqu’en fin 2018 et désormais conseiller pour le Grand Prix de Formule 1. Selon M. Boullier, l’hydrogène est l’une des meilleures alternatives aux énergies fossiles dans l’automobile voire la seule viable sur le long terme.


Cependant il est paradoxal de parler de nouvelle technologie car l’hydrogène est connu depuis bien longtemps. S’il n’a pas encore eu le développement auquel il pourrait prétendre, c’est en partie dû à l’important pouvoir de lobbying des constructeurs et compagnies pétrolières sur les gouvernements. En effet le secteur de l’automobile représente un poids très important sur l’échiquier mondial de cette industrie. Les gouvernements s’accordent donc avec les pétroliers afin de réaliser une transition vers l’hydrogène plus longue, pour ne pas perdre leur suprématie.  A cela se rajoute des différences dans la volonté des pays du globe à accélérer la transition énergétique. En effet, on peut constater que les constructeurs asiatiques tel que Honda, Toyota et Hyundai, sont en pointe dans le développement de l’hydrogène, alors que les constructeurs européens et nord-américains sont en retrait, préférant un développement de l’électrique sur batterie. 

Bien que contrôlant la transition énergétique, les compagnies pétrolières investissent beaucoup d’argent dans le développement de l’hydrogène. En effet, elles ne veulent pas perdre leur pouvoir économique comme politique, et cette évolution vers une production qu’elles ne maîtrisent pas encore totalement les inquiète. Paradoxalement, ce sont elles qui investissent financièrement le plus dans la recherche et le développement de l’hydrogène afin de conserver leurs prérogatives en tant qu’énergéticien. Même si le couple pile à combustible/hydrogène risque de ne pas apparaître concrètement avant 2030 dans la voiture de M. Toulemonde, il reste la meilleure alternative aux carburants actuels selon Éric Boullier.


Cependant, tout n’est que spéculation sur les avancées actuelles.


La question du timing et des objectifs est très importante. En effet, certaines sociétés impliquées dans le sport automobile se sont déjà fixé des objectifs. Par exemple, l’ACO (Automobile Club de l’Ouest, club fondateur et organisateur des 24 Heures du Mans) veut ouvrir une classe spéciale pour les voitures à moteur à pile à combustible et à carburant hydrogène aux 24 Heures du Mans d’ici 2024. Selon Éric Boullier, cet objectif est assez réaliste, néanmoins il serait étonnant d’y voir des automobiles dotées de performances équivalentes aux hybrides sans BOP (Balance of performance). Il pourrait même être possible dans un futur plus lointain que cette technologie soit adoptée en Formule 1. Cependant cela demanderait une totale remise en cause du système économique et un changement du regard du grand public sur ce sport, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Sur un plan plus industriel, ce type de motorisation n’est pas prêt d’être systématisé. Et pour cause : son prix est excessif et il y a un grand manque d’infrastructures sur l’ensemble des territoires (une dizaine de stations ouvertes au public en France seulement). De plus, toujours selon Éric Boullier, il serait plus adapté dans un premier temps aux entreprises de transports en commun (bus, taxi) et de transports en général. Les voitures individuelles commercialisées seront alors adaptées à un marché qui évolue sans cesse (à l’image de l’expansion récente et soudaine des SUV). Ainsi, même les marques automobiles de luxe et de véhicules sportifs pourraient rapidement s’intéresser à ce moteur afin de réguler les niveaux d’émissions qui peuvent leur coûter très cher. En témoignent les amendes adressées à Aston Martin et Ferrari en Europe. Cela se révèle même très probable lorsque l’on constate que ces firmes ont déjà fait des efforts en proposant des modèles ayant adopté la technologie hybride.


Comme les énergies fossiles vont manquer sur terre, il est souhaitable pour Mr Boullier que les compagnies aéronautiques puissent développer des moteurs avec une source d’énergie alternative comme l’hydrogène, même si cela semble encore très lointain. Le cas de Solar Impulse est ainsi intéressant. Il était propulsé par des moteurs électriques dont l’énergie était fournie par les immenses panneaux solaires installés sur ses ailes. Le remplacement de ces panneaux par une pile à combustion avec l’hydrogène pour carburant permettrait demain de fournir l’électricité indispensable aux moteurs.

En effet les seuls prototypes réalisés avec cette technologie sont pour l’instant des avions très légers avec des capacités très faibles. Les plus grands défis de ces appareils ne sont que les conditions extérieures car l’hydrogène est un gaz très instable et encore mal maîtrisé par l’homme. Cependant, certaines firmes se sont prononcées sur les objectifs qu’elles aimeraient atteindre. Par exemple le premier prototype d’avion de ligne à hydrogène devrait voir le jour d’ici 2025. Cependant comme Éric Boullier l’a précisé : « Tout peut arriver ; on ne peut pas encore prévoir le futur ! »


crédit photo : Audrey Moritz

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