Malgré certaines crises au début des années 2000, le trafic aérien mondial était en pleine augmentation. Les experts aéronautiques s’accordaient à dire que cette tendance allait même s’accélérer dans les années futures. Airbus et Boeing se partageaient alors le marché des longs courriers de moyenne capacité avec respectivement l’Airbus A330 et le Boeing 777. Pourtant le marché des longs courriers à très grande capacité était monopolisé par le Boeing 747. Airbus décida de rivaliser le Jumbo Jet avec un nouveau programme d’avion de ligne ultra large capable d’emporter plus de 500 passagers.
Ce choix n’a pas été uniquement motivé par le monopôle de Boeing sur ce marché ; cela a été en réalité un véritable pari sur le futur du transport aérien.
La stratégie Hub and Spoke
Avec le programme A380, Airbus opte pour la stratégie de l’« Hub and Spoke ». Cette stratégie consiste lors d’un long déplacement à faire escale par un hub principal pour se rendre à sa destination. Par exemple, un passager souhaitant relier Toulouse à l’Amérique devra faire arrêt à Paris CDG, Londres Heathrow ou Francfort.
En conséquence, le nombre de lignes aériennes est limité, mais le nombre de passagers qui les fréquentent augmente fortement. En continuant à vendre des avions de moyenne capacité, les aéroports dépourvus d’infrastructures nécessaires se retrouvent saturés. C’est le cas de Londres Heathrow qui, avec uniquement deux pistes, oblige d’appliquer des procédures particulières de contrôle aérien lors des fortes affluences quotidiennes.
En réponse à ce problème, Airbus choisit donc de produire un avion de plus grande capacité capable de réduire le nombre de rotations d’une compagnie vers une destination. Avec ses deux ponts, l’A380 est capable de diminuer par deux celles-ci. Même si l’avion consomme davantage de carburant, la consommation par passager est inférieure à celles des avions existants, à la condition que l’avion soit rempli.
La stratégie Hub and Spoke est très appréciée par les compagnies aériennes du Moyen-Orient comme Emirates, Qatar ou Etihad. Par leur situation géographique au carrefour des continents, elles proposent de nombreux vols pour rejoindre l’Europe occidentale à l’Australie ou à l’Asie du Sud. Ainsi, les aéroports de Dubaï, Doha ou Abu Dhabi deviennent des hubs gigantesques*.
La stratégie Point-to-Point
Face à l’annonce du programme européen, Boeing prend une direction opposée et développe une offre très différente. Le programme 7E7 (futur 787) a pour but de proposer un avion plus petit en capacité, mais avec un rayon d’action plus large et une consommation en carburant réduite.
Devant la problématique de saturation des hubs évoqués précédemment, Boeing choisit la stratégie du point à point. C’est-à-dire que les compagnies privilégient des vols directs, en multipliant le nombre de destinations au départ d’un aéroport avec des avions plus petits ne nécessitant pas de modifications des infrastructures aéroportuaires. Si nous reprenons notre exemple du trajet transatlantique depuis Toulouse, il est possible avec la stratégie du point à point de faire le trajet de façon directe. C’est le cas de la ligne Toulouse Montréal proposé par Air Canada en 787-8.
L’avion long-courrier 787 a donc été dessiné avec une autonomie proche de 15 000 kilomètres, une capacité de 200 à 250 passagers selon les différentes variantes de l’appareil et une baisse de la consommation estimée à près de 20% par rapport aux appareils des années 2000.
Conclusion en 2024
Devant le tableau des livraisons et commandes des deux appareils, il ne semble pas y avoir de doutes sur le pari gagnant. Le Boeing 787 Dreamliner affiche en effet de nombreuses commandes et livraisons.
Il faut cependant nuancer cette analyse. L’Airbus A380 est destiné à accueillir plus du double de passager que le Boeing 787. Il est donc cohérent de voir un nombre de livraisons inférieur pour le géant des airs face au Dreamliner.
Un évènement témoigne particulièrement des différentes stratégies et de leurs succès. En février 2019, la compagnie Emirates décide d’annuler la livraison de ses 39 derniers A380 au profit de 70 long-courriers biréacteurs plus petits. Cela accélèrera la fin de la production des A380 deux années plus tard.
Malgré la réussite de Boeing dans cette prise de stratégie, le constructeur ne monopolise actuellement pas le marché des avions long-courriers. Devant le succès des débuts du programme Dreamliner, Airbus choisit également de développer un avion plus petit à long rayon d’action. Mais contrairement au constructeur américain, Airbus n’a eu ni problèmes ni retards significatifs depuis le lancement du programme A350.
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