Tout ingénieur digne de son travail a une responsabilité d’innover et de concevoir de nouvelles technologies pour aider l’homme.
On observe notamment cette responsabilité en aéronautique. Avec un nombre de passagers dans l’aviation civile qui ne cesse de croître d’année en année, les entreprises responsables de construire l’avion de demain sont poussées à innover en de nombreux domaines. Pour réduire les coûts et accélérer le développement de nouveaux appareils, l’administration de ces entreprises décide souvent de négliger certaines étapes très importantes du développement et ignore les avertissements de leurs ingénieurs. Dans la suite nous explorerons un cas où ce genre d’erreur s’est produit.
Un exemple à considérer est celui du 787 de Boeing. Au début des années 2000, les exécutifs chez Boeing trouvent une demande du marché pour un certain type d’appareil, ils surnomment par la suite le programme : Dreamliner (787). Après leur fusion avec le constructeur McDonnell-Douglass en 1997, Boeing déplace son siège de Everett, Washington (près de Seattle) à Chicago, ce qui crée une séparation géographique nette entre les bureaux et les usines de l’entreprise. De plus ils définissent une nouvelle direction pour Boeing, une où le but primaire serait de réduire les coûts et de faire plus de bénéfices en réduisant radicalement l’espace recherche de leur entreprise. Sous cette nouvelle direction, Boeing décide que le 787 serait construit et payé entièrement par des fournisseurs, qu’ils appelleraient des « partenaires ». Boeing aura donc seulement à assembler l’appareil. Il faut savoir que le design du 787 contenait des nouvelles technologies jamais vues auparavant dans le monde de l’aéronautique, comme un fuselage presque entièrement fait en composite et des batteries plus grandes que sur tous les avions qui le précédaient. Boeing demandait donc à des petites entreprises de fabriquer leur avion dans des délais très courts avec des technologies que même eux ne maitrisaient pas entièrement. Le 787 a été dévoilé à un large public, de nombreuses compagnies aériennes s’engagèrent à acheter le magnifique appareil. Mais certaines n’étaient pas convaincues. Un témoignage de Jon Ostrower du Wall Street Journal raconte :
« You could look up in the wheel well and you could see daylight. […] And then I realize the doors were made of plywood. »
“ Tu pouvais regarder dans la cage des trains d’atterrissage et voir la lumière du jour. […] Et je me rends compte que les portes étaient faites de contre-plaqué.”
Mais les PDG de chez Boeing rassurèrent le public que l’avion volerait dans l’espace de deux mois. Deux mois qui se sont étendus à 6 mois, puis 2 ans. Mais pourquoi ? Les entreprises en charge de construire les composants, n’étaient tout simplement pas capables de construire les pièces nécessaires. Boeing dans une nécessité de sortir au plus vite leur produit, décida de prendre en charge l’inspection de qualité en envoyant des « experts de qualité ». Un mémo interne de l’entreprise et des témoignages d’ingénieurs dénonciateurs sourcés par l’inspection d’Aljazeera racontent :
« Le respect du programme peut nécessiter des déviations par rapport au processus de qualité préféré » - Mémo interne de Boeing
« Ils ont changé des principes basiques de l’ingénierie pour finir dans les délais » - Ingénieur de Boeing
« Non je ne volerai pas sur cet avion. Pourquoi ? Parce que je vois la qualité de la p****n de m***e qui se passe ici. » - Ingénieur de Boeing
Boeing sous sa propre surveillance sans intervention du gouvernement, laissait passer une qualité inférieure pour respecter les délais et c’est peu après que le premier avion fut livré que les problèmes commencèrent à se révéler. Une batterie sur l’un des nouveaux avions explosa, garé à une porte d’embarquement à Boston. Seulement 9 jours après cet incident une nouvelle batterie sur un autre appareil commença à dégager de la fumée ce qui provoqua un atterrissage d’urgence au Japon. Le 17 Janvier 2013, la FAA (Federal Aviation Administration) décida d’interdire le 787 de voler jusqu’à ce que les batteries soient améliorées. Quelques mois plus tard Boeing annonça des nouvelles mesures de sécurité sur leurs batteries et rassurèrent le public que leurs avions ne sont pas plus dangereux que les générations précédentes. La FAA autorise de nouveau au 787 de voler.
Nous devrions peut-être croire aux mots de Boeing et la FAA, il n’y a pas eu d’incidents importants depuis les nouvelles mesures de sécurité. Mais les témoignages des ingénieurs qui ont risqué leur métier pour révéler ce côté de l’industrie nous ont peut-être donné un point de vue alternatif sur comment les avions d’aujourd’hui sont construits. Ces attestations peuvent nous mener à se poser des questions sur quels autres programmes de Boeing ou même Airbus emploient cette tactique et à quel point nous pouvons faire confiance à la qualité des produits qu’ils fournissent aux compagnies aériennes sur lesquels volent près de 8 millions de personnes par jour.
Ayant déjà voyagé sur cet avion, je dois avouer que c’est une merveille de technologie avec des innovations importantes. Mais les témoignages et fuites révélés par les médias montrent un côté obscur du monde aéronautique. Un qui n’est pas dirigé par les ingénieurs qui conçoivent et construisent les avions, mais par les boursiers de Wall Street.
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