Un nouveau projet, à la reconquête de la Lune.
De nouveaux horizons :
Cela va faire 38 ans depuis la dernière mission sur la surface de notre satellite naturel, et voilà que sa reconquête est déjà en marche! En effet, les grandes puissances et les puissances montantes de l’aérospatiale se tournent à nouveau vers la Lune afin d’y lancer leur nouveau projet.
C’est en particulier la Chine qui se lance en première ligne dans cette reconquête avec le lancement de sa sonde Chang’e 4 et sa mise en orbite lunaire, ainsi qu’avec l’atterrissage de son rover sur la surface cachée de la Lune. C’est un premier pas, bientôt suivi par bien d’autres.
Parmi ces nouveaux projets, un en particulier se détache du reste, celui qui était anciennement connu sous le nom de Deep Space Gateway : la Lunar Orbital Platform-Gateway ou LOP-G. Plus communément appelée de nos jours, la Station Orbitale Lunaire ; c’est un projet lancé par la NASA en 2017, qui a pour but de relancer les vols habités en direction de la lune.
De leur côté la Russie et l’Europe, dont les projets respectifs sont la création d’une station orbitale et d’une base fixe lunaire, ont signé un accord avec la NASA afin de coopérer sur LOP-G. Ils ont ensuite été suivis par le Canada et le Japon.
Les organisations NASA, Roscosmos, ESA, CSA et JAXA sont donc les actuels partenaires de ce projet ambitieux.
Cette station digne d’une œuvre de science-fiction va mettre au défi nos performances, capacités et ressources, mais aux termes de ce chantier aussi phénoménal que coûteux, l’humanité sera-t-elle meilleure ou même capable d’exploiter ce projet d’orbite lunaire ? Fera-t-elle face au défi de la conquête spatiale unie, ou la Lune sera-t-elle simplement un nouveau théâtre de concurrence ?
Quel est le but réel derrière ce projet ?
Eh bien, l’objectif de ce projet est dans un premier temps de placer une plateforme habitable en orbite cislunaire autour du satellite, c’est à dire que cette orbite lui permettra de faire facilement une liaison Terre-Lune, et en même temps elle lui permettra d'avoir une zone d'orbite éloignée avec un environnement proche de celui du Deep Space.
Cette plateforme sera composée d’un système d’alimentation et de propulsion, de modules d’utilisation et d’habitation pour l’équipage, de sas scientifiques et d’autres dédiés aux sorties extravéhiculaires, ainsi que de modules logistiques.
Cette station aura notamment divers rôles majeurs :
Tout d’abord, elle permettra des séjours de 43 jours en orbite à un équipage d’environ 4 personnes. Il est ensuite prévu qu’un jour elle soit reliée à une base habitable fixe (un des projets actuels de l’ESA) sur la surface lunaire et servirait donc de plateforme de transition.
Mais surtout, elle permettra la réalisation des lancements des futures missions en direction de Mars, puis en direction du Deep Space (espace au-delà de l’orbite lunaire). En effet la LOP-G sera créée de telle sorte à ce qu’elle serve aux ravitaillements, aux essais et aux études en prévision de ces missions supra lunaires habitées. Dans une première phase du programme, les équipages qui occuperont la station dès 2025 l'utiliseront pour apprendre à vivre et à travailler en orbite lunaire et pour ainsi se préparer aux voyages vers Mars. Cette phase permettra également de pratiquer les transitions entre les vaisseaux qui sont loin de l'orbite terrestre basse (sublunaire). Elle sera desservie par le vaisseau Orion de la NASA et de l'ESA puis, ultérieurement, par le Federatsia russe.
La LOP-G servira même de base d’assemblage pour des vaisseaux de plus grosse importance, pour des destinations bien plus lointaines…
Avec son déclin, certains voient à travers le projet LOP-G la nouvelle ISS (plus d’informations dans l’article ISS) mais contrairement à celle-ci, la LOP-G n'est pas conçue pour contenir une présence humaine permanente. Il est prévu que cette passerelle permette à Orion d'étendre sa propre autonomie spatiale au-delà de la capacité autonome de 41 jours avec un équipage de quatre personnes.
De plus, LOP-G est prévue pour être bien plus restreinte au niveau de sa taille, en ne comptant que 5 modules déterminés à ce jour, mais avec de possibles habitats additionnels développés par le Japon ou la Russie.
Malgré sa petite taille, son assemblage représentera un défi pour l’Homme. En effet perchée à plus de 40 200 km, il ne sera pas aisé d’envoyer, d’installer et d’assembler les modules à une si grande distance, cela nécessitera une vraie prouesse technologique.
Parmi ces 5 modules on pourra compter :
- Le Gateway Power/Propulsion Module (LOP-G PPE)
- Le Gateway Logistics Module
- Le Gateway Airlock Module
- ESPRIT (European System Providing Refuelling, Infrastructure and Telecommunications)
- Le Cislunar Habitation Module (I-HAB)
Les deux derniers modules, ESPRIT et I-HAB en partie pris en charge par l’ESA, sont en phase d’étude et de futures conceptions sont prévues par deux entreprises françaises
présentes à Toulouse : Thales Alenia Space et Airbus, avec qui l’agence européenne a signé ses contrats.
Au niveau international plusieurs enjeux se révèlent avec ce projet :
Déjà, concernant la station, c’est la NASA qui garde en main une grande partie du projet. 40% des modules seront sous sa supervision et conception, ne laissant qu’une marge de moitié pour les 4 autres partenaires. Ce qui a amené quelques réticences de la part de l’agence russe quant à sa participation à ce projet, ne souhaitant pas que la Nasa soit le seul maître d'œuvre et chef de file de ce projet qui succédera à la Station Spatiale Internationale (ISS).
Ensuite, concernant les enjeux scientifiques, la station représentera un réel atout pour la recherche et l’expérimentation, mais surtout pour le développement des voyages spatiaux habités en direction de Mars puis du Deep Space. Cependant, au vu du financement et des ressources qu’elle implique, on peut se demander quel est le réel impact d’un tel projet à notre échelle. De plus, au terme de celui-ci, serons-nous assez avancés technologiquement ? Aurons-nous les capacités de rentabiliser un tel projet ?
Enfin, il y aura également des enjeux économiques qui auront des impacts sur la station mais aussi sur la Lune et son orbite en général. En effet, ils sont tout aussi capitaux que les enjeux scientifiques, pour la recherche et le développement des voyages habités, ainsi que pour les préparations aux vols vers Mars et le Deep Space. Le point de vue économique reste un aspect important, car en effet le but final est aussi de coloniser la surface lunaire pour deux raisons principales. D’une part pour les importantes ressources qu’elle présente en minéraux, métaux et gaz. Et d’autre part, son sol est meuble et facile à creuser, ce qui pourrait faire de la Lune une mine ; mais aussi une base pour un potentiel développement du tourisme spatial, comme dans le cadre du projet de base/village lunaire entrepris par l’ESA par exemple.
C’est avec les autres puissances de l’aérospatial comme la Chine, qui pour conquérir la Lune a décidé pour l’instant de faire cavalier seul, que ces enjeux prendront de l’importance. En effet l’orbite, tout comme la surface lunaire, pourrait bientôt devenir une zone de concurrence et de commerce et non plus un espace d’entente et de recherche.
Un financement important :
Ce projet gargantuesque nécessitera bien sûr des coûts à son échelle, l’estimation du budget s’élève pour l’instant à plus de $2.7 milliards répartis sur 5 ans, ce qui fait en moyenne $550 millions pour chaque année de développement. En effet c’est un investissement et des coûts non négligeables qu’implique un projet d’une telle envergure !
Détails du budget :
- $504,2 millions pour l'exercice 2019
- $662,2 millions pour 2020
- $540 millions pour 2021
- $558,9 millions pour 2022
- $459,1 millions pour 2023
Cependant les négociations sur le financement et surtout les coûts et les ressources engagées sont généralement lentes et controversées.
Allons-nous vraiment retourner sur la lune ? :
C’est en bonne partie ce projet qui va lancer la reconquête lunaire, ainsi que le développement des voyages supralunaires habités qui représentent une réelle avancée dans la conquête spatiale et dans la découverte de l’Univers. Cependant, avec les enjeux importants qu’il met en avant et l’investissement non négligeable qu’il demande, il est sujet aux contestations, son utilité est remise en question, de même que nos capacités à le mener à bien. Cette station sort tout bonnement d’un film de science-fiction, mais sommes-nous prêts à en faire une réalité ?
Pour le moment, le projet est dans l’attente que son programme soit adopté, adoption espérée à la fin de la conférence ministérielle de 2019, pour un début de construction prévu pour 2022 et fini pour 2026.
Bibliographie et articles relatifs au sujet qui peuvent vous intéresser :
- Warner, Cheryl. “NASA's Lunar Outpost Will Extend Human Presence in Deep Space.” NASA, NASA, 13 Feb. 2018, www.nasa.gov/feature/nasa-s-lunar-outpost-will-extend-human-presence-in-deep-space.
- “Un Premier Pas Vers La Réalisation D'un Rêve – L'exploration De La Lune Devient Réalité.” Thales Group, www.thalesgroup.com/fr/monde/espace/press-release/premier-pas-vers-realisation-dun-reve-lexploration-lune-devient-realite.
- Hambleton, Kathryn. “Deep Space Gateway to Open Opportunities for Distant Destinations.” NASA, NASA, 28 Mar. 2017, www.nasa.gov/feature/deep-space-gateway-to-open-opportunities-for-distant-destinations.
- “Moon to Mars.” NASA, NASA, www.nasa.gov/specials/moon2mars/index.html.
- “NASA's Human Spaceflight Plans Come into Focus with Announcement of Deep Space Gateway.” SpaceFlight Insider, 3 May 2017, www.spaceflightinsider.com/organizations/nasa/nasa-human-spaceflight-plans-focus-announcement-deep-space-gateway/.
- “Forward to the Moon: Airbus Wins ESA Studies for Future Human Base in Lunar Orbit.” Airbus, www.airbus.com/newsroom/press-releases/en/2018/09/Forward-to-the-Moon-Airbus-wins-ESA-studies-for-future-human-base-in-lunar-orbit.html.
- “NASA, International Partners Consider Solar Sail for Deep Space Gateway.” The Planetary Society Blog, www.planetary.org/blogs/guest-blogs/2017/20170925-solar-sail-dsg.html.
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